lundi 31 mars 2014

LE CIRQUE DES VAMPIRES (Vampire Circus)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site projectdeadpost.com

de Robert Young. 1972. Angleterre. 1h27. Avec Laurence Payne, Domini Blythe, Lynne Frederick, Thorley Walters, Adrienne Corri, Robert Tayman.

Sortie salles: 23 Août 1973

FILMOGRAPHIE: Robert (William) Young est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 16 Mars 1933 à Cheltenham.
1972: Le Cirque des Vampires. 1979: Le monde est plein d'homme mariés. 1993: Grandeur et descendance. 1997: Créatures Féroces.


Bien étrange film que ce Cirque des Vampires produit par la célèbre firme Hammer et réalisé par un cinéaste peu prolifique. En dépit du côté daté de certains fx et du jeu cabotin de quelques antagonistes (Robert Tayman force un peu trop le trait dans sa posture vampirique mais se rattrape avec son charisme délétère rehaussé d'un regard vicieux !), cette série B trépidante tire parti de son originalité grâce au décor alloué au cirque forain ! En 1810, le Comte Mitterhouse vient d'être assassiné par les villageois après son kidnapping intenté sur une mère et sa fille. Juste avant de mourir, il promet de revenir se venger auprès de leurs descendants. Quinze ans plus tard, un cirque vient de s'installer dans la région sous la direction du cousin du comte. D'étranges meurtres sanglants vont ébranler la population qui ira rapidement suspecter l'étrange confrérie !


A partir d'un postulat classique (la vengeance d'un vampire pour parfaire sa malédiction !), Robert Young réussit à éviter l'impression de déjà vu grâce à l'efficacité de nombreuses scènes d'action et surtout à l'onirisme des tours de prestidigitation. Sur ce dernier point, je pense au premier spectacle de la femme-tigre et surtout à l'épreuve du miroir de la vie auquel certains villageois vont en faire l'expérience pour se retrouver projeter contre leur gré vers une autre dimension. Il y a aussi le saut crépusculaire dans le vide de ces funambules préalablement métamorphosés en chauve-souris sous l'oeil médusé du public ! Par ailleurs, cette communauté gitane entièrement soumise à l'autorité du mal regroupe des personnages extravagants dans leur physique hétéroclite (l'Hercule, l'homme panthère, les jumeaux vampires, le nain), et ayant tous une fonction particulière pour élaborer leur combine ! La manière surnaturelle dont les villageois sont confrontés à leurs stratagèmes pour les offrir en sacrifice permet de relancer une action alerte lorsqu'ils tentent de se débattre de la mort. Pour le reste, et afin respecter la déontologie de la Hammer, les décors flamboyants sont à l'avenant (le cirque de la nuit installé au sein d'un bois, la chapelle, la crypte), l'horreur graphique vire souvent au gore rutilant et les jeunes filles aux poitrines charnelles dégagent une sensualité timorée !


D'une étrange beauté, Le Cirque des Vampires doit beaucoup de son ironie macabre et de sa fascination grâce au décor du chapiteau dirigé par une obscure alliance. Il en émane une oeuvre singulière, non exempt de maladresses dans sa réalisation archaïque, mais transcendée par ces plages de poésie, au point que certaines images restent inconsciemment gravées dans la mémoire du spectateur. 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 28 mars 2014

HIDDEN (The Hidden). Grand Prix Avoriaz 1988.

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Jack Sholder. 1987. U.S.A. 1h36. Avec Kyle MacLachlan, Michael Nouri, Claudia Christian, Clarence Felder, Clu Gulager, Ed O'Ross, William Boyett.

Sortie salles France: 23 Mars 1988. U.S: 20 Octobre 1987

FILMOGRAPHIE (source wikipedia): Jack Sholder est un réalisateur américain, né le 8 juin 1945 à Philadelphia. 1973: The Garden Party (court-métrage). 1982: Alone in the dark. 1985: Le Revanche de Freddy. 1987: Hidden. 1988: Vietnam War Story 2. 1989: Flic et Rebelle. 1990: By Dawn's Early Light (télé-film). 1993: 12H01: prisonnier du temps (télé-film). 1994: Sélection naturelle (télé-film). 1994: The Omen (télé-film). 1996: Generation X (télé-film). 1997: Panique sur l'autoroute (télé-film). 1999: Wishmaster 2. 2001: Arachnid. 2002: Beeper. 2004: 12 Days of terror.


Déjà auteur de l'excellent Alone in the dark (psycho-killer sardonique où des fous s'évadaient d'un asile pour semer la panique dans une banlieue !) et du sympathique second opus, La Revanche de Freddy, Jack Sholder réalise en 1987 son meilleur film avec Hidden auréolé du Grand Prix à Avoriaz. Si on peut néanmoins contester la remise de cette prestigieuse récompense, on ne peut nier l'incroyable efficacité du récit alternant action explosive et science-fiction horrifique, quand bien même la vigueur de sa réalisation et du montage précis nous laisse sur les rotules. Partant d'un pitch complètement délirant, un parasite féru de gros flingues, de Rock and Roll et de vitesse en Ferrari, investit le corps de citadins pour foutre le zouc dans une bourgade de Los-Angeles, le réalisateur exploite une pure série B ludique conçue sur le fun des situations. Inspiré des classiques notoires parmi lesquels Alien The Thing, il reprend le thème éculé de l'extra-terrestre inhospitalier en dédiant ses confrontations belliqueuses avec les autorités de la police où l'action et les cascades n'auront de cesse d'y rebondir d'une séquence à l'autre ! 


Mené sur un rythme sans faille donc, l'efficacité du scénario émane des stratégies récurrentes que le parasite est contraint d'exercer afin de se glisser dans la peau d'une victime puis d'en dégoter rapidement une autre dès que le corps eut été abîmé ! L'idée retorse d'éradiquer la chose à l'aide d'une arme futuriste est notamment bien exploitée puisque l'adversaire doit attendre qu'elle s'extirpe de l'enveloppe corporelle de la victime, le pistolet ne produisant aucun dommage sur la chair humaine ! Au même moment, deux inspecteurs sont dépêchés sur le terrain afin d'enquêter sur cette vague de crimes inexpliqués alors que de modestes quidams sont subitement atteints de démence ! Pour ajouter un peu de consistance à l'intrigue, l'un des deux flics s'avère un agent du FBI investi d'une mission secrète que son chef tente vainement de percer jusqu'au moment où ce premier décidera d'avouer sa fonction de sauveur de l'humanité. D'ailleurs, on peut saluer le jeu diaphane de Kyle MacLachlan incarnant à merveille un humanoïde flegmatique au regard étrangement angélique. Son comparse endossé par Michael Nouri s'avère notamment persuasif dans la peau du flic expéditif, tentant de démystifier les aboutissants d'une improbable enquête ! Outre la violence incisive des scènes spectaculaires et de son humour noir décomplexé, Hidden est notamment favorisé par la confection d'effets spéciaux modestes mais tout à fait impressionnants ! (la grosse limace s'extirpant en temps réel de la bouche d'une victime pour en infiltrer une autre !). 


Fun et jouissif de par son lot ininterrompu d'action explosive où les gunfights confinent au carnage (la dernière demi-heure pétaradante se rapproche des excès destroy d'un Terminator !), Hidden s'érige en leçon de mise en scène pour son sens de l'efficacité où les altercations n'auront de cesse de redoubler d'intensité ! Enfin, la complicité formée par le duo de flics ajoute une certaine densité psychologique (voire une dimension humaine dédiée au sens du sacrifice) à leurs rapports de divergence où la confiance mutuelle finira par porter ses fruits. 

Bruno 

RécompensesGrand Prix au Festival d'Avoriaz, 1988
Prix du Jury de la critique internationale et prix du meilleur acteur pour Michael Nouri, lors du Festival du film de Catalogne en 1987.
Prix du meilleur réalisateur et nomination au prix du meilleur film au festival Fantasporto en 1988.

jeudi 27 mars 2014

LA GUERRE DU FEU (Quest for Fire). César du Meilleur Film

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site relamovies.com

de Jean Jacques Annaud. 1981. France/Canada. 1h36. Avec Everett McGill, Ron Perlman, Nicholas Kadi, Rae Dawn Chong.

Récompenses: César du Meilleur Film, César du Meilleur Réalisateur

Sortie salles France: 16 Décembre 1981. Canada: 10 Février 1982

FILMOGRAPHIE: Jean-Jacques Annaud est un réalisateur et scénariste français, né le 1er Octobre 1943 à Juvisy-sur-Orge (Essonne).
1976: La Victoire en Chantant. 1979: Coup de Tête. 1981: La Guerre du Feu. 1986: Le Nom de la Rose. 1988: L'Ours. 1992: L'Amant. 1995: Guillaumet, les ailes du courage. 1997: 7 ans au Tibet. 2001: Stalingard. 2004: Deux Frères. 2007: Sa Majesté Minor. 2011: Or Noir. 2015: Wolf Totem.


Il y a 80 000 ans se levait l'aube de l'humanité. L'homme préhistorique savait conserver le feu offert par les hasards de la nature: foudre, éruptions volcaniques. Mais il ne savait pas le créer artificiellement. Ce feu, pour nous, si banal, était l'enjeu de rivalités impitoyables. En ces âges farouches, le feu assurait la survie de notre espèce. Il servait à l'homme pour se protéger des froids terribles des glaciations, écarter les animaux féroces, cuir les viandes. Les hordes s'organisaient autour de sa claire puissance bienfaitrice. Ceux qui le possédaient possédaient la vie. 

Succès mondial lors de sa sortie, auréolé chez nous du César du Meilleur Film, La Guerre du Feu est une gageure à vocation pédagogique et ludique que Jean-Jacques Annaud relève dignement afin de reconstituer l'époque du Paléolithique. Une première dans l'histoire du cinéma puisque le réalisateur traite son sujet avec souci de réalisme dans sa configuration géographique (décors naturels du Canada, de l'Ecosse et du Kenya), dans sa violence graphique imposée (affrontements sanglants assez brutaux) mais aussi dans la physionomie des acteurs au faciès simiesque ! On est donc loin ici des ersatz transalpins qui exploiteront rapidement le filon dans une précarité de système Z à but foncièrement mercantile !


Notre aventure débute donc avec l'expédition de trois guerriers de la tribu des Ulam contraints de quitter leur contrée pour partir conquérir le feu après l'avoir égaré dans un récipient. A partir de ce simple canevas, le réalisateur nous dépeint un captivant récit d'aventure chargé de souffle épique dans ces batailles adverses que nos trois héros vont devoir braver durant leur périple. Récit initiatique, leçon de vie pour l'évolution humaine, La Guerre du Feu se porte en humble témoignage afin de rendre hommage à nos ancêtres où leur destinée de survie s'avérait particulièrement précaire. Incessamment confrontés à l'hiver climatique d'une nature sauvage, aux rivalités des tribus et à l'hostilité d'animaux affamés, nos héros vont devoir évaluer leur sens de bravoure afin de s'approprier la denrée du feu et pouvoir le créer indépendamment. Par leur épreuve de survie, leur désir de préserver leur dynastie mais aussi leur esprit de curiosité, ils vont défier la peur et apprendre les sens du mot amour, respect, fraternité et humour en se mesurant à la culture des tribus étrangères. A travers le tempérament primitif de l'homme, capable de perpétrer impunément un viol sur une étrangère, Jean Jacques Annaud illustre notamment notre instinct machiste et phallocrate avant de nous inculquer la valeur essentielle de l'amour. Car à travers la relation empathique partagée entre Naoh et Ika, le réalisateur dépeint avec poésie la prémices amoureuse quand deux amants sont communément épris de sentiments avant de procréer leur descendance (l'épilogue tacite au clair de lune).


Projet casse-gueule réputé inadaptable, voir peu convaincant du point de vue de certains scientifiques, La Guerre du Feu réussit pourtant l'exploit de retranscrire le Paléolithique avec souci de réalisme studieux. Esthétiquement magnifique dans ces décors montagneux, bercé d'une partition envoûtante à la flûte de Pan et épaulé du jeu intense des comédiens, Jean-Jacques Annaud accorde autant de crédit au sens du mot spectacle dans cette aventure lyrique où le feu reste la convoitise pour nos ancêtres afin de prémunir leur destinée. 

Bruno Matéï
4èx 

    mercredi 26 mars 2014

    Black Christmas / Silent Night Evil Night

                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site arte.tv

    de Bob Clark. 1974. Canada. 1h38. Avec Olivia Hussey, Keir Dullea, Margot Kidder, John Saxon, Andrea Martin, Marian Waldman.

    Sortie salles Canada: 11 Octobre 1974. U.S: 20 Décembre 1974 

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Bob Clark est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né le 5 Août 1941 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane (Etats-Unis), décédé le 4 Avril 2007 à Pacific Palisades, en Californie. 1966: The Emperor's New Clothes. 1967: She-Man. 1972: Children Shouldn't play with dead things. 1974: Le Mort-Vivant. 1974: Black Christmas. 1979: Meurtre par décret. 1980: Un Fils pour l'été. 1982: Porky's. 1983: Porky's 2. 1983: A Christmas Story. 1984: Rhinestone. 1985: Turk 182 ! 1987: From the Hip. 1990: Loose Cannons. 1995: Derby (télé-film). 1999: P'tits génies. 2004: SuperBabies.


    Pièce fondatrice du psycho-killer, Black Christmas  détourne les codes du genre horrifique avec une perspicacité peu commune. Sa mise en scène affûtée s'opposant aux conventions avec originalité et sens de dérision macabre. Partant de ce simple postulat: des étudiantes d'une résidence sont harcelées au téléphone par un psychopathe et vont disparaître une à une sous l'autorité perplexe de la police, Bob Clark érige sa mise en scène de manière circonspecte afin de faire naître un suspense lattent qui ira crescendo. L'idée retorse génialement exploitée dans ce thriller oppressant part du principe que le tueur s'est réfugié à l'endroit même où les victimes y résident. Une stratégie perfide que l'inconnu sans visage (repéré en caméra subjective) intente afin de mieux les piéger et pouvoir accomplir impunément ses exactions. Planqué dans le grenier après avoir assassiné deux locataires, il n'aura de cesse d'importuner au téléphone ses jeunes filles démunies en attendant de frapper à nouveau au moment opportun. Alors que la populace et la police imaginent que le meurtrier est en externe de la bâtisse en tentant vainement de retrouver la première disparue sous la neige, ce dernier perpétue tranquillement son rituel en se raillant des étudiantes par l'entremise du téléphone (ses divagations verbales provoquent un réel malaise de par sa tonalité à la fois goguenarde et criarde).


    Ainsi, ce harcèlement cellulaire est une nouvelle trouvaille que Bob Clark exploite ingénieusement afin de susciter l'anxiété sans avoir recours aux ficelles balisées. Qui plus est, la présence fantomatique de l'assassin suggérée en vue subjective exacerbe ce sentiment d'inquiétude et d'insécurité régie en interne du huis-clos. D'ailleurs, la manière dont il assassine ses victimes sans pouvoir se faire appréhender s'avère également convaincante auprès de son comportement studieux, méthodique, sournois. Une autre astuce ironiquement macabre est notamment utilisée lorsque la première victime inerte est installée au bord d'une fenêtre du grenier devant l'oeil impuissant de la police et des habitants ! Car durant tout le film, les allées-et-venues des témoins autour de la demeure ne prêteront jamais attention à élever la tête pour entrevoir le cadavre ! Au niveau de l'exécution des meurtres, Bob Clark innove encore sans faire preuve d'esbroufe car privilégiant plutôt l'aspect concis ou stylisé de l'acte meurtrier hérité du giallo (je pense à la mise à mort fantasmatique de Barbara durant son sommeil). Toujours voué à casser les codes, le réalisateur introduit notamment quelques séquences pittoresques étonnamment hilarantes lorsque deux flics sont pris d'un fou-rire pour se railler d'un collègue maladroit ne comprenant pas le sens du mot "fellation" ! Enfin, et de manière exponentielle, Bob Clark culmine un final des plus terrifiants où les rebondissements détonnent par leur impact manipulateur tout en nous laissant dans l'interrogation quand au sort réservé à la dernière survivante et la fameuse identité du meurtrier.


    Le Sapin a les boules. 
    Précurseur des oeuvres notoires Halloween, Terreur sur la Ligne et les ersatz qui tenteront d'émuler la recette, Black Christmas transcende le psycho-killer avec un sens du suspense méticuleux à l'efficacité éprouvée. Un chef-d'oeuvre atypique d'une surprenante modernité dans sa mise en scène roublarde proprement révolutionnaire si bien que ce divertissement au suspense horrifique n'a pas pris une ride.  

    *Bruno
    16.01.24. 3èx. Vostfr

    Récompense: Prix de la meilleure actrice pour Margot Kidder et meilleur montage son pour Kenneth Heeley-Ray, au Canadian Film Awards, 1975.

    mardi 25 mars 2014

    Les Innocents. Prix Edgar-Allan-Poe du meilleur scénario.

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site peoplearecrying.blogspot.com

    "The Innocents" de Jack Clayton. 1961. Angleterre. 1h40. Avec Deborah Kerr, Michael Redgrave, Peter Wyngarde, Megs Jenkins, Pamela Franklin. 

    Sortie salles France: 16 Mai 1962

    FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni).
    1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).


    Quintessence du cinéma fantastique pur et dur, dans le sens éthéré et abrupt, Les Innocents est un cauchemar sur pellicule que notre cerveau emmagasine à l'instar d'une épreuve de force. Modèle d'écriture ciselée entièrement vouée à la psychologie torturée de ces personnages, Les Innocents emprunte aux thèmes de la hantise, de la possession et de l'enfant maléfique avec une force de persuasion sans égale ! Car c'est dans le pouvoir de suggestion que Jack Clayton réussit à se surpasser pour traiter d'une histoire démoniaque où deux enfants espiègles seront sévèrement réprimandés par leur nouvelle gouvernante. Cette dernière étant persuadée qu'ils sont à l'origine d'une malédiction invoquée par leur ancien valet de maison. Or, elle apprend par la nourrice que ce dernier prénommé Quint a rendu l'âme lors d'un accident mortel remettant en cause son ébriété. Qui plus est, l'ancienne gouvernante, Miss Jessel, a notamment succombé à une mort subite après avoir eu une liaison amoureuse particulièrement licencieuse avec lui. Face à l'attitude insolente des enfants et de leur comportement interlope, la nouvelle maîtresse de maison, Miss Giddens, est persuadée qu'ils sont l'objet d'une possession diabolique entretenue par les fantômes des amants. Ces suspicions se sont d'ailleurs confirmées depuis qu'elle a vu apparaître à plusieurs reprises les silhouettes de Quint et de Miss Jessel au sein de la maison et à proximité du parc.


    Ce scénario charpenté, Jack Clayton le maîtrise avec une rare subtilité de par sa gestion d'une angoisse tangible où le malaise diffus n'épargne jamais le spectateur ! Epaulé de la photographie en clair-obscur du grand Freddie Francis, les jeux d'ombre et de lumière qui s'y imposent amplifient ce sentiment d'insécurité perçu en interne de la bâtisse victorienne. Ainsi, en jouant sur l'aspect gothique et intimiste des pièces de ce vaste foyer et sur le regard angélique de bambins prétendument innocents, le réalisateur insuffle un climat malsain des plus contraignants lorsqu'une gouvernante anxieuse est persuadée qu'une force maléfique a pris possession de leurs âmes. Mais la grande force du récit réside dans sa capacité à entretenir le doute dans l'esprit du spectateur. Miss Giddens étant représentée comme une femme noble issue d'une éducation puritaine mais à la psychologie si névrosée auquel sa sensibilité laisse potentiellement libre court au délire de persécution. Faute du  comportement perspicace d'enfants diablotins et des visions fantomatiques qui envahissent son esprit, elle n'est donc éventuellement que la victime de son autosuggestion et de sa détermination à daigner purifier ces enfants de la perversion ! 


    Dérangeant, anxiogène et perturbant, Les Innocents est un cauchemar implacable d'une puissance émotionnelle trouble et d'une cruauté d'autant plus tragique lorsque son point d'orgue épouvantablement nihiliste confine au traumatisme pour nous hanter de son irrésolution ! Son climat malsain est d'autant plus déstabilisant et équivoque qu'il touche à la candeur d'enfants potentiellement pernicieux et ne cesse de remettre en question la conviction d'une gouvernante (Deborah Kerr transcende un jeu transi d'émoi de par son regard exorbité !) rongée par la paranoïa, voire peut-être aussi le refoulement sexuel ! Un joyau d'une noirceur insondable si bien que la vérité ne nous sera jamais autorisé (Henry James lui même s'est refusé à ébruiter le moindre indice !) afin de démystifier la culpabilité de Miss Giddens, des enfants et des amants d'outre-tombe  ! Génuflexion. 

    Récompense: Prix Edgar-Allan-Poe du Meilleur scénario

    Bruno 
    3èx

    lundi 24 mars 2014

    THE IMMIGRANT

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de James Gray. 2013. U.S.A. 1h57. Avec Joaquin Phoenix, Marion Cotillard, Jeremy Renner, Dagmara Dominczyk, Angela Sarafyan, Antoni Corone.

    Sortie salles France: 27 Novembre 2013

    FILMOGRAPHIE: James Gray est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né en 1969 à New-York.
    1994: Little Odessa. 2000: The Yards. 2007: La Nuit nous appartient. 2008. Two overs. 2013: The Immigrant.


    Cinq ans après Two Lovers, James Gray renoue avec le mélo afin de transposer The Immigrant, l'histoire douloureuse de deux soeurs polonaises fuyant leur pays pour accomplir le rêve américain après la première guerre mondiale. Arrivée à New-York, l'une d'elles est arrêtée par la police à cause de sa tuberculose et se voit admise dans un hôpital. Mais le jour de leur arrivée, l'aînée rencontre un gentleman affable décidé à lui venir en aide. En attente d'être prochainement expulsées, Ewa tente de trouver l'argent nécessaire pour sauver sa soeur mais se retrouve embarquée dans un réseau de prostitution.


    Drame romantique dominé par la présence divine de Marion Cotillard, The Immigrant tire parti de son interprétation et des rapports équivoques qu'entretiennent le couple Ewa et Bruno, ce dernier s'avérant un insidieux maquereau. Si de prime abord, Ewa n'éprouve que du dégoût pour ce personnage sans scrupule et pour sa condition de prostituée, leur relation va peu à peu évoluer depuis que Bruno osera avouer ses sentiments. Avec l'intrusion du cousin Orlando, magicien de cabaret beaucoup plus intègre et tout aussi décidé à conquérir le coeur d'Ewa, on imagine que l'intrigue s'articulera autour d'un triangle amoureux, quand bien même un évènement inopiné va remettre en cause notre hypothèse. A travers cette liaison romantique inappropriée, James Gray brosse le portrait d'un anti-héros rongé par ses démons et sa médiocrité, mais rattrapé par une prise de conscience en quête de rédemption. Face à l'autorité de ce maître chanteur, Ewa nous retransmet son désarroi d'une femme humiliée gagnée par la honte et partagée entre le dilemme de deux hommes aux moralités contradictoires. Avec fragilité humaine, Mario Cotillard livre une fois de plus une interprétation magistrale pour incarner une immigrante timorée à la noble dignité lorsqu'il s'agit de s'opposer à l'injustice afin de sauvegarder l'existence de sa soeur.


    Si l'intrigue manque inévitablement d'intensité émotionnelle dans sa dramaturgie imposée et dans la caractérisation de certains personnages (les rapports de force qu'entretiennent Bruno et Orlando ne s'avèrent pas très convaincants dans leur conflit d'autorité), la réalisation s'avère suffisamment compétente et soignée (la reconstitution d'époque est criante de vérité et la photo ocre illumine sa scénographie séculaire !) pour s'y laisser convaincre. Porté à bout de bras par le talent sobre de Marion Cotillard mais secondé par la présence cabotine de Joaquin Phoenix (sa confession finale invoquée à Ewa inspire l'outrance), The Immigrant réussit tout de même à nous séduire afin de nous impliquer dans leur idylle impossible.  

    Bruno Matéï

    vendredi 21 mars 2014

    SNOWPIERCER (Le Transperceneige)

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Bong Joon-ho. 2013. France/Etats-Unis/Corée du Sud. 2h06. Avec Chris Evans, Song Kang-ho, Ed Harris, John Hurt, Tilda Swinton, Jamie Bell, Octavia Spencer, Ewen Bremner.

    Sortie salles France: 30 Octobre 2013. Corée du Sud: 1er Août 2013

    FILMOGRAPHIE: Bong Joon-ho est un réalisateur et scénariste sud-coréen, né le 14 Septembre 1969 à Séoul.
    2000: Barking Dog. 2003: Memories of Murders. 2006: The Host. 2009: Mother. 2013: Le Transperceneige.


    Tiré d'une bande dessinée française, Snowpiercer renouvelle le film d'action avec une originalité sans égale, le réalisateur exploitant le décor d'un train avec autant de créativité (sa configuration hybride) que d'intelligence pour la peinture de son microcosme où l'inégalité des classes va imploser. En 2031, après le réchauffement climatique de la planète qui aura provoqué un cataclysme, l'humanité est devenue un glacier de désolation. Seuls, une poignée de survivants réfugiés à bord d'un train sont contraints de faire le tour du monde pour sauvegarder leur vie et entretenir le fonctionnement du convoi. Alors que les plus riches, installés dans les premiers compartiments, mènent une existence édénique, les pauvres sont parqués dans les dernières cabines insalubres pour être réduits à l'esclavage et la malnutrition. Mais leur leader Curtis et ses acolytes sont prêts à mener une sédition afin de pouvoir accéder à la "machine" gérée par le dictateur Wilford. 


    Réflexion écolo sur le réchauffement climatique, pamphlet sur l'inégalité des classes sociales auquel les riches exploitent les plus faibles afin de mener une existence prospère, Snowpiercer redore le blason du film d'action avec méditation, épaulé du charisme buriné (ou excentrique !) de personnages opiniâtres. Alternant moments de bastonnades et gunfights stylisés (ralenti à l'appui !) aussi cinglants que barbares, ce survival réfrigérant tire parti de son décor ferroviaire avec un sens esthétique confinant parfois à la féerie (l'aquarium géant, le jardin des plantes, la piscine). Chaque compartiment du train révélant aux yeux de nos héros un nouveau décor insolite quand bien même une frange de population y cohabite en harmonie. A l'instar d'un jeu-video, nos héros sont donc contraints d'avancer avec prudence vers une nouvelle cabine pour déjouer l'hostilité de tueurs intraitables. Sans jamais se répéter et se laisser piéger par l'esbroufe, le réalisateur improvise ses scènes d'action avec intensité et refus de concession pour la survie de nos héros (n'importe lequel d'entre eux pouvant trépasser à tous moments !). C'est donc un véritable parcours du combattant que vont devoir affaire Curtis et sa troupe avec un sens du courage déterminé. Outre le caractère spectaculaires des offensives déloyales (nombre de stratégies perfides leur sont souscrits), Bong Joon-ho accorde autant d'intérêt à la dimension humaine de ces protagonistes (leur épreuve de force pour la survie et celle de la liberté, la remise en cause du héros) qu'à sa progression narrative incessamment surprenante (rebondissements en diable et intrusion inopinée de nouveaux antagonistes avant la confrontation attendue avec Wilford). Qui plus est, avec une amertume désespérée où l'être humain est assigné à reproduire les mêmes erreurs dans sa cupidité et son profit, le réalisateur transcende la destinée d'un héros ordinaire profondément fragilisé de sa condition d'opprimé. Enfin, Snowpiercer est notamment une réussite formelle dans la retranscription d'un univers post-apo où les effets spéciaux numérisés s'avèrent souvent stupéfiants de réalisme (je tairais d'ailleurs le caractère dantesque de son épilogue à bout de souffle !).


    Généreux en diable, violent, intense, original et furieusement excitant, Snowpiecer transcende le mode du film d'action en accordant autant de place au facteur humain des enjeux dramatiques qu'au caractère spectaculaire des affrontements aléatoires. Avec une belle densité psychologique, il ne manque pas de nous interpeller sur sa condition sociale d'un régime despotique où l'enfant martyr paye une fois de plus le lourd tribut de la barbarie de l'homme. Celle de l'indépendance liée à la loi du plus fort, vecteur de survie pour accéder à la première place. Une référence du film d'action et un classique à en devenir !

    Bruno Matéï
    La critique de Yannick Dahan: https://www.youtube.com/watch?v=vZedrpiWGIk

    Récompenses:
    Grand Bell Awards 2013: Meilleur décorateur (Ondrej Nekvasil), Meilleur monteur (Choi Min-yeong et Kim Chang-joo). 
    Korean Association of Film Critics Awards 2013: Meilleur film, Meilleure réalisateur (Bong Joon-ho)
    Meilleur directeur de la photographie (Hong Kyung-pyo). 
    Blue Dragon Film Awards 2013: Meilleur réalisateur (Bong Joon-ho), Meilleur décorateur (Ondrej Nekvasil).

     

    jeudi 20 mars 2014

    THE SEASONING HOUSE

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site zombiehamster.com

    de Paul Hyett. 2012. Angleterre. 1h33. Avec Rosie Day, Anna Walton, Jemma Powell, Kevin Howarth, Sean Pertwee, David Lemberg.

    Inédit en salles en France.

    FILMOGRAPHIE: Paul Hyett est un réalisateur, maquilleur, acteur et scénariste anglais.
    2012: The Seasoning House. 2014: Heretiks. 2014: Howl.


    Précédé d'une certaine réputation sulfureuse, faute de séquences gores d'un raffinement putassier, The Seasoning House joue la carte du film d'exploitation lancé par la franchise Hostel, Saw et consorts. Sur le modèle du Tortur'porn et du Rape and revenge, le britannique Paul Hyett s'essayant aux genres avec autant de maladresse que de complaisance. Prisonnière d'un réseau clandestin de prostitution en ex-yougoslavie, une sourde muette prépare son évasion afin de s'épargner une existence miséreuse où viols et sévices sont quotidiennement perpétrées sur d'innocentes esclaves. Par l'entremise d'un bref flash-back, nous apprendrons que ces jeunes filles ont été soutirées de leurs parents (souvent assassinés sous leur yeux !) par des militaires durant la guerre pour être exploitées à la prostitution et donc livrées à une gente misogyne dans un bordel miteux.


    Glauque et poisseux, The Seasoning house nous plonge dans un univers de claustration en interne d'une cabane poussiéreuse, où le sang, le sperme et la sueur imprègnent les draps de chaque chambre, quand bien même les jeunes filles violées sont soumises aux pires maltraitances. Avec une certaine efficacité, la première demi-heure réussit à distiller une ambiance malsaine dans son décor putride et à provoquer une certaine empathie pour le courage de l'héroïne contrainte de droguer ses amies pour le compte d'une clientèle SM. Mais dès qu'elle tente de sauver une de ses collègues, prise à parti avec la perversité d'un colosse, les invraisemblances et les situations éculées n'auront de cesse de desservir la vraisemblance du récit. A l'instar de l'agression sanglante interminable émise entre la muette et ce surhomme increvable, ou encore quand cette dernière tente de se faufiler à l'intérieur des parois de l'établissement, telle une souris rusée, afin d'échapper aux tueurs. Mis en scène avec peu d'habileté dans son montage approximatif et modestement interprété, The Seasoning House finit donc rapidement par accumuler les situations grotesques, d'autant plus que l'attitude malhabile des tueurs finit par nous lasser de leurs stratégies dérisoires à tenter d'appréhender la rebelle. Pour parachever dans le ridicule, le réalisateur enfonce le clou dans son dernier quart-d'heure quand l'héroïne se retrouve (comme par enchantement !) accueilli par la femme du tueur à l'intérieur de son foyer, mais aussi quand elle tente de s'extirper d'un entrepôt pour échapper à son assaillant (la manière dont ce dernier est désarmé est plutôt risible).


    Pur produit de consommation voué à choquer le spectateur dans le sens le plus racoleur du terme et avec une facilité redondante, The Seasoning House tente de provoquer et d'impressionner par le biais d'une violence graphique crue et d'une action spectaculaire canonique. Ces deux éléments conformément associés finissant par nuire à sa crédibilité et à l'intensité procurée. Pour les amateurs indulgents d'horreur ludique, le film peut néanmoins procurer son petit effet révulsif, certaines séquences vomitives provoquant l'inévitable "haut-le-coeur". 

    Bruno Matéï  

    mercredi 19 mars 2014

    MISSOURI BREAKS (The Missouri Breaks)


                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site movieberry.com

    d'Arthur Penn. 1976. U.S.A. 2h06. Avec Jack Nicholson, Marlon Brando, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, John McLiam, Frederic Forrest, Harry Dean Stanton.

    Sortie salles U.S: 18 Mai 1976

    FILMOGRAPHIE: Arthur Penn est un réalisateur américain, né le 27 Septembre 1922 à Philadelphie, décédé le 28 Septembre à Manhattan, New-york.
    1958: Le Gaucher. 1962: Miracle en Alabama. 1965: Mickey One. 1966: La Poursuite Impitoyable. 1967: Bonnie and Clyde. 1969: Alice restaurant. 1970: Little big man. 1975: La Fugue. 1976: Missouri Breaks. 1981: Georgia. 1985: Target. 1987: Froid comme la mort. 1989: Penn and Teller get killed. 1995: Lumière et compagnie (segment).


    Doux euphémisme que de songer qu'à l'époque de sa sortie, Missouri Breaks dérouta une bonne partie de son public, Arthur Penn bousculant ici nos habitudes avec un cynisme particulièrement insolent. Rien que la séquence d'ouverture inopinée, une cruelle pendaison particulièrement réaliste, place le spectateur dans un sentiment de stupeur inconfortable, quand bien même la population gênée de cette macabre mise en scène se morfond prudemment dans le mutisme ! Le réalisateur n'aura de cesse d'alterner les situations pittoresques (le jeu de provocation machiste invoqué entre Tom et Jane pour leur gestation amoureuse, l'arrivée précipitée des voleurs au bordel géré par une septuagénaire) ou grotesques (toutes les facéties excentriques du régulateur, à l'instar de son travestissement en grand-mère !) avec d'autres à la teneur dramatique plutôt cruelle ! (les exactions sanglantes qui empiètent l'intrigue quand bien même le dernier survivant se retrouve confronté à une désarmante remise en cause).


    Western insolite au cheminement narratif imprévisible et ne possédant aucune ligne de conduite, Missouri Breaks affiche la marginalité d'anti-héros afin d'illustrer une chasse à l'homme dont un régulateur se portera volontaire pour éliminer des voleurs de bétail. Durant tout le récit, Arthur Penn prend soin de nous attacher à la familiarité de ces quatre malfrats alors que leur leader est épris d'une idylle avec la fille d'un riche éleveur. C'est d'ailleurs ce dernier qui décide de recruter Robert Lee Clayton, régulateur impertinent et goguenard, déterminé à assassiner un par un ces braconniers liés par l'amitié. Dans la peau d'un tueur sans vergogne empli de lâcheté, Marlon Brandon crève l'écran pour endosser un personnage antipathique passant son temps à se goinfrer de nourriture tout en bavassant avec ses ennemis avec hypocrisie narquoise. A la fois flegme et pugnace, Jack Nicholson lui tient tête par son assurance perspicace avant de sombrer malgré lui dans une vengeance expéditive. Entre temps, le réalisateur prend notamment soin de mettre en valeur sa complicité amoureuse partagée avec Jane et son éventuel désir de s'assagir afin de consolider cette relation.


    Une farce macabre gagnée par la défaite.
    En dépit d'une première heure relativement langoureuse par son rythme dispersé, Missouri Breaks détourne les codes avec une ironie caustique particulièrement dérangeante, à l'instar de ses dialogues ciselés et ses éclairs de violence qu'on ne voit jamais arriver. Qui plus est, son cheminement narratif indécis nous place dans une perpétuelle interrogation quand à l'issue réservée aux voleurs de bétail mais aussi au régulateur. On sera d'autant plus dérouté par son final malsain d'une grande violence, et donc épargnant le happy-end, SPOILER pour afficher l'amertume de protagonistes vaincus, contraints de renouer séparément avec un semblant de vie ! FIN DU SPOILER. Un western atypique dont l'ambiance cynique nous extériorise un sentiment de souffre dans la bouche, et auquel l'interprétation effrontée de Marlon Brandon mérite à elle seule le détour !

    Bruno Matéï
    2èx

    mardi 18 mars 2014

    LE DEMON DES ARMES (Gun Crazy / Deadly is the Female)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site listal.com

    de Joseph H. Lewis. 1950. U.S.A. 1h27. Avec Peggy Cummins, John Dall, Berry Kroeger, Morris Carnovsky, Annabel Shaw, Harry Lewis.

    Sortie salles France: 20 Janvier 1950

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joseph H. Lewis est un réalisateur américain, né le 6 Avril 1907 à New-York (Etats-Unis), décédé le 30 Août 2000 à Santa Monica (Californie).
    1945: My name is Julia Ross. 1946: So dark the night. 1948: Le Manoir de la Haine. 1949: Le Maître du gang. 1950: Le Démon des Armes. 1950: La Dame sans passeport. 1952: Quatre jours d'angoisse. 1955: Man on a bus. 1955: Association Criminelle. 1955: Ville sans loi. 1958: Terreur au Texas.


    Bien avant le chef-d'oeuvre d'Arthur Penn, un film noir s'était lui aussi inspiré des méfaits délinquants du couple meurtrier Bonnie and Clyde. Film noir d'une beauté diaphane, Le Démon des armes retrace avec réalisme (du moins pour l'époque !) l'équipée sauvage d'un couple d'amants, spécialiste des armes à feu et des braquages de banques. Au fil de leur périple infernal, ils vont s'attirer une triste renommée auprès des médias et des journaux au point de mobiliser toutes les polices de l'état qui finiront par leur soumettre une traque inlassable (l'haletante chasse à l'homme investie dans la forêt et en amont des marais reste ancrée dans les mémoires).


    A travers cette course poursuite effrénée d'un couple de gangsters avides de liberté et de richesse, Joseph H. Lewis dresse un magnifique portrait de marginaux totalement tributaires de leur passion amoureuse autant que celle, indissociable, de leurs armes à feu. Des personnages burnés mais à la dimension humaine fragile et désespérée car entraînés malgré eux dans une virée criminelle toujours plus houleuse et irréversible. Par leurs exactions délinquantes, on sent bien que le réalisateur s'épanche sur la fascination des armes exercée envers le citoyen américain. Ici, c'est son côté perfide et malsain qui est mis en valeur par l'autorité d'un couple spécialiste du tir et des braquages. Le goût du risque, l'adrénaline et la détermination de leurs actes rebelles découlant d'une attirance semi-inconsciente pour une violence vénale ! (c'est ce que Bart avouera à sa compagne après avoir tenté de tuer un policier, alors que cette dernière est capable de braver l'acte par une peur irraisonnée !). Ce couple d'amants communément fous d'amour mais incapables de s'extirper de leur existence asociale est incarné à l'écran par des acteurs transis d'émoi ! Avec son charisme longiligne et son humanisme sentencieux, John Dall campe un gangster fasciné depuis l'enfance par sa passion des armes au point d'endosser finalement le rôle d'un gangster pour l'amour de sa compagne. Trouble et vénéneuse et beaucoup moins circonspecte, Peggy Cummins retransmet à merveille une criminelle toute aussi obsédée par le tir mais véritable instigatrice d'avoir impliqué son compagnon jusqu'au point de non retour. A eux deux, ils forment un duo aussi mythique que le couple Warren Beatty/Faye Dunaway recruté 17 ans plus tard dans Bonnie and Clyde, et doivent beaucoup à l'intensité furieuse et émotionnelle du récit.


    Chef-d'oeuvre avant-coureur du film noir symbolisant les "amants criminels", Le Démon des Armes (titre français encore plus incisif et révélateur que son modèle !) est habité par l'exaltation amoureuse mais compromis par l'acte suicidaire d'un couple marginal pris dans l'engrenage de la violence. 

    Bruno Matéï
    2èx




    lundi 17 mars 2014

    MISS ZOMBIE. Grand Prix à Gérardmer, 2014.

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site horror-movies.ca

    de Sabu. 2013. Japon. 1h25. Avec Ayaka Komatsu, Makoto Togashi, Riku Ohnishi, Takaya Yamauchi, Taro Suruga, Tateto Serizawa, Toru Tezuka.

    Récompense: Grand Prix à Gérardmer, 2013

    FILMOGRAPHIE: Hiroyuki Tanaka (Sabu) est un réalisateur, acteur et scénariste japonais.
    1996: Dangan ranna. 1997: Postman Blues. 1998: Anrakkî monkî. 2000: Monday. 2002: Drive. 2002: Kôfuku no kane. 2003: Hard Luck Hero. 2005: Hôrudo appu daun. 2005: Shissô. 2009: Kanikosen. 2010: Toraburuman. 2011: Usagi doroppu. 2013: Miss Zombie. 2015: Ten No Chasuke.


    Pendant auteurisant de Fido en mode austère, Miss Zombie réexploite la domestication du mort-vivant par le biais d'une ménagère soumise aux exigences d'une snob famille. Après avoir reçu un colis contenant une morte-vivante, la tranquillité d'un foyer va subitement se détériorer au fil de leurs rapports intimes avec l'étrangère.


    Tourné en noir et blanc dans un souci formel souvent stylisé (nature crépusculaire aux figures géométriques), Miss Zombie évoque la déshumanisation de nos sociétés modernes en quête d'affinité et notre instinct de supériorité à exploiter les plus faibles. A travers la condition d'esclave d'une femme zombie égarée dans sa solitude, le réalisateur traite son sujet avec originalité dans la manière d'illustrer sa quotidienneté avec ses proches, mais aussi ses instants d'intimité, à l'instar de son regard mélancolique plongé dans le reflet d'un miroir. Sujette aux railleries et agressions physiques envers des citadins familiers, Miss Zombie observe du coin de l'oeil ses cruelles humiliations sans toutefois exercer une quelconque riposte. Jusqu'au jour où le fils de la famille meurt noyé au bord d'un étang. Cet instant dramatique va lui permettre de renouer avec son instinct maternel, puisqu'à la demande de la défunte mère, elle réussira à sauvegarder l'enfant par l'infection d'une morsure. Si depuis cette résurrection, le père et le fils lui vouent une vraie considération affective, il n'en n'est pas de même pour la mère délaissée, éprise aujourd'hui d'une rancune tenace. A partir de ce moment, les rôles vont subitement s'inverser (chaque membre de la famille se morfond dans le désarroi et l'impuissance, alors qu'au contraire, Miss Zombie retrouve des parcelles de vitalité et d'émotion) pour laisser exprimer une vengeance infructueuse où la mort en sera la seule expiation ! Dans un climat d'étrangeté où les non-dits renforcent le caractère insolite de son environnement feutré, Miss Zombie épouse un point de vue iconoclaste pour mettre en valeur l'humanité du Zombie dans une quête éperdue pour la reconnaissance, quand bien même son entourage se blottit dans la banalité et l'ennui de leur quotidien !  


    Si Miss Zombie a de quoi laisser perplexe pour sa justification imposée au Grand Prix de Gérardmer, on ne peut nier l'ambition de son parti-pris formel et l'originalité de son sujet traité avec pudeur, intelligence et refus des conventions. Toutefois, il est préférable d'avertir le spectateur que la monotonie du rythme et l'aspect baroque de sa mise en scène risquent d'en déconcerter plus d'un. A privilégier en priorité aux amateurs de bizarrerie. 

    Bruno Matéï


    vendredi 14 mars 2014

    LE LOUP DE WALL STREET (The Wolf of Wall Street)

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Martin Scorcese. 2013. U.S.A. 2h59. Avec Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Kyle Chandler, Rob Reiner, Jon Bernthal, Jon Favreau, Jean Dujardin, Cristin Milioti, Matthew McConaughey.

    Sortie salles France: 25 Décembre 2013. U.S: 25 Décembre 2013

    FILMOGRAPHIE: Martin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york).
    1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés, 2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island. 2011: Hugo Cabret. 2013: Le Loup de Wall Street.


    Outrancier et foisonnant, vulgaire et dépravé (les orgies sexuelles qui empiètent tout le récit), délirant et hilarant (les hystéries comateuses de Jordan et Donnie après avoir ingéré une drogue frelatée, leur escapade nocturne en yacht sous un ouragan !), mais d'un intérêt limité dans son cheminement narratif, Le Loup de Wall Street relate la biographie d'un courtier en bourse, Jordan Belfort. Durant plus de 10 ans, il va monter son propre empire après avoir formé des financiers préalablement incompétents. Avec l'aide de ces comparses, il va multiplier les arnaques de vente tout en sombrant dans le trafic de drogue et le blanchiment d'argent. Ses délinquants financiers vont mener une belle vie de débauche à grand renfort de sexe et de coke avant qu'un agent du FBI ne vienne fouiner dans leurs transactions.  
    D'une durée de 3h00, cette fresque ambitieuse remarquablement interprétée (Leonardo DiCaprio est habité par la gagne pour transmettre à son équipe son savoir dans une posture de dandy cocaïné et obsédé sexuel !) se permet tous les excès afin de dresser un tableau dérisoire des requins de la finance réduits ici à des dégénérés assoiffés de gloire. Jusqu'au jour où toute cette jungle sans scrupule va se retrouver derrière les barreaux par la trahison de leur propre leader. Si la réalisation s'avère époustouflante de virtuosité avec un sens vertigineux du découpage et que les acteurs simiesques s'en donnent à coeur joie pour grimacer et gesticuler les grivoiseries, Martin Scorcese semble ici se répéter jusqu'à se parodier pour illustrer à nouveau un univers de corruption où des malfrats sont tributaires de leur cupidité, du sexe et de la drogue. 


    Un spectacle bordélique aussi désordonné qu'éreintant, car alternant le comique de situation et la dramaturgie du propos (même le chef d'équipe Scorcese et tous les acteurs semblent avoir pris de la Coke durant tout le tournage !), où sa verve frénétique et la putasserie qui en découle risquent de lasser une partie du public par son côté rébarbatif (sa ligne de conduite s'avère épuisante à suivre selon l'humeur ou la fatigue du jour). A découvrir de préférence entre amis éméchés avec pas mal de whisky, de call-girls et de drogues sous la main !

    Bruno Matéï